La conclusion de contrats par une société en formation a depuis longtemps nourri un lourd contentieux. En effet, la société en formation jouit d’un régime particulier dû à son absence d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), la privant ainsi de la personnalité morale.

Les personnes agissant pour le compte d’une société non immatriculée sont tenues des obligations découlant des actes conclus. Toutefois, une fois la société valablement immatriculée, celle-ci peut reprendre à son compte les obligations résultant desdits actes. La Cour de cassation avait historiquement instauré un formalisme strict (Cass com, 22 mai 2001, n°98-19.742), exigeant que les conventions soient passées « au nom » et « pour le compte » de la société en formation, sous peine de nullité en cas de formulation différente.

Pour exemple, dans un arrêt du 12 octobre 2022, la Haute juridiction a confirmé la position de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait annulé une promesse de vente conclue par une société en formation. L’acte ne mentionnait pas expressément l’intervention de son représentant, la promesse avait dès lors été considérée comme conclue par la société en formation, frappant ainsi l’acte de nullité (Cass, civ 3ème, 12 octobre 2022, n°21-19.999).

Dans la présente espèce, le litige portait sur une convention de sous location conclue avec une société en formation. À la suite de différends, son représentant avait engagé une action en nullité de la convention.

En cause d’appel, les juges du fond avaient refusé de frapper de nullité le contrat, estimant qu’étaient jointes au contrat de sous-location des annexes (actes constitutifs de la société, volonté de faire des locaux loués le siège social, ouverture d’un compte en banque…) démontrant la commune intention des parties de conclure le contrat de location au nom et pour le compte de la société en formation.

La Cour de cassation a validé cette analyse, considérant que l’intention des parties suffisait à caractériser la volonté de contracter dans l’intérêt de la société en formation.

Elle fait ainsi une première application d’un revirement de jurisprudence amorcé un an auparavant dans un arrêt du 29 novembre 2023. La Cour régulatrice y avait abandonné le formalisme rigide encadrant la reprise des actes, constatant qu’il permettait à certaines parties de se soustraire à leurs engagements en invoquant la nullité de l’acte litigieux. Par ailleurs, cette rigueur privait souvent les tiers cocontractants d’un débiteur (Cass com, du 29 novembre 2023, n°22-12.865).

Désormais, il n’est plus nécessaire que l’acte mentionne « au nom » et « pour le compte de » afin qu’il soit opposable à la société et aux personnes engagées dans l’acte. La volonté de contracter pour une société en formation peut désormais être déduite de la volonté des parties.

Cette application du revirement de jurisprudence opéré en 2023 permet de clarifier et d’assouplir le régime des actes passés par une société en formation tout en renforçant la sécurité juridique des potentiels créanciers.

Par conséquent, les parties devront veiller à ce que le contrat, tant dans sa rédaction que dans ses annexes, reflète clairement l’intention de contracter au nom de la société en formation. Il reste ainsi recommandé de suivre l’ancien formalisme imposé par la Cour de cassation en complétant le contrat par des documents attestant cette volonté.

En cas de litige, l’intention de contracter pour la société en formation relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond, ce qui introduit un risque lié à l’aléa judiciaire.

Référence de l’arrêt : Cass. com. du 6 novembre 2024 n° 23-20.089 F-D, X c Sté Axelis +